Mercredi 5 mars 2025

Quand j’ai commencé à pratiquer la lutte, le paysage était très clair. La lutte était un “sport de garçons” et c’était très clair. Il y avait aussi des “sports de filles” et c’était très bien comme ça. Ces sports étaient réservés à un seul sexe et il n’y avait aucune mixité. À cette époque, l’idée de la lutte féminine et féminine n’était même pas une considération secondaire, car les restrictions liées au sexe n’autorisaient même pas les filles à y participer. Par conséquent, en 1991, lorsque les filles se sont lancées dans la lutte au Québec, ce fut un peu un choc culturel.

La natation synchronisée reste l’un des derniers “sports réservés aux femmes”

Ma mère, qui avait appris à apprécier ce sport au fur et à mesure que je poursuivais mon parcours sportif, avait assisté à certains de ces premiers combats. Son évaluation n’était pas positive, car elle avait remarqué que ce n’était pas très technique et qu’en fait, c’était difficile à regarder. Cela dit, avançons rapidement jusqu’au début des années 2000. Ma mère venait de regarder les Jeux olympiques de 2008 où la Québécoise Martine Dugrenier faisait ses débuts olympiques. Évidemment, beaucoup de temps s’était écoulé depuis qu’elle avait regardé ces premiers combats aux championnats provinciaux du Québec et ses commentaires étaient très positifs, car elle disait que la lutte s’était énormément améliorée d’un point de vue technique et qu’elle était également plus excitante. En ce court laps de temps, le sport avait évolué et les choses avaient commencé à changer. Les femmes commençaient à s’affirmer dans le sport, changeant à jamais le paysage de la lutte.

En 2013, j’avais un représentant de mon programme qui était un garçon et un suppléant qui était une fille

Ce sentiment reflète la situation dans laquelle je me trouve dans mon parcours d’entraîneure, alors que les filles font de plus en plus partie de ce sport. Ne vous méprenez pas, la lutte est encore un domaine à forte prédominance masculine et je ne pense pas que nous verrons une véritable parité avant un certain temps. Cependant, le sport est en pleine croissance, non seulement dans le reste du pays, mais aussi au Québec. De mon point de vue personnel, je peux le constater assez clairement. En témoigne le fait que mon premier groupe de champions nationaux était composé uniquement de garçons et que mon premier athlète à participer aux Jeux du Canada en 2013 était en fait un garçon. Cependant, en 2017, cette dynamique a changé et pour les Jeux du Canada de 2017, j’avais deux filles et un garçon qualifiés pour les Jeux.

Un signe des choses à venir ?

Ces dernières années, j’ai connu plus de succès avec les filles. Comme tout bon entraîneur le sait, la réflexion est essentielle et cela m’a fait réfléchir aux raisons de cette situation et à la manière dont cette dynamique changeante affecte le monde de la lutte moderne. Bien que je puisse émettre de nombreuses hypothèses sur les raisons pour lesquelles je pense que cela change, voici certaines de mes premières réflexions. Des choses comme les équipes mixtes, les temps d’entraînement différenciés, les déplacements vers les compétitions et l’hébergement sont autant de choses qui ont changé depuis que les filles sont entrées dans le sport. Cela affecte à son tour la dynamique ainsi que la façon dont une équipe continuera à fonctionner à l’avenir. Je pourrais probablement en mentionner beaucoup plus, mais je pense que je vais me concentrer sur les sujets précédents pour le moment. De nouvelles réflexions sur ce sujet pourraient apparaître dans un prochain blog.

Equipes mixtes

Étant donné que la lutte est un sport individuel, nos équipes ont tendance à être mixtes, car nous n’avons tout simplement pas le nombre nécessaire pour avoir une équipe uniquement féminine. La lutte féminine n’existe que depuis un peu plus de trente ans et, par conséquent, certains programmes n’ont même pas accepté de filles dans leurs programmes. Certains programmes n’ont accueilli les filles que récemment, au cours des deux dernières années, ce qui peut avoir un effet sur la dynamique de leur équipe. Si nous prenons l’exemple de l’école secondaire Loyola à NDG, il s’agit d’une école qui a longtemps été une école exclusivement réservée aux garçons. Par conséquent, leur programme de lutte n’a été composé que de garçons pendant très longtemps. En 2023, Loyola est officiellement devenue mixte et a accueilli sa première cohorte de filles. Bien qu’il n’y ait pas eu beaucoup de filles dans l’équipe de lutte au cours des deux années qui se sont écoulées depuis que Loyola est devenue mixte, leur dynamique changera à un moment donné. De même, un programme comme l’école Selwyn House à Westmount, qui est encore exclusivement réservé aux garçons, n’aura jamais de programme pour filles et, par cons

Bien que désormais mixte, l’équipe de lutte de Loyola reste fortement concentrée sur le côté masculin

Ces programmes ont produit un bon nombre d’athlètes qui ont remporté des médailles à l’échelle nationale et internationale, le plus remarquable étant Alex Moore, membre de l’équipe olympique canadienne de 2024 issue du programme de lutte de Selwyn House. On peut se demander si l’intégration de filles dans le programme aurait eu un impact positif ou négatif sur la trajectoire de leurs athlètes.

Horaires de pratique différenciés

Ce sujet est susceptible de diviser beaucoup de gens, en particulier les puristes du sport. Certains diront que les sexes doivent être mélangés à certains niveaux, tandis que d’autres diront qu’ils doivent être séparés. Dans les nombreux camps d’entraînement auxquels j’ai participé dans le monde, les heures d’entraînement sont très réglementées, divisées entre les groupes d’âge et les sexes. Cela est dû au nombre plus élevé de participants ainsi qu’à une vision réglementée qui interdit la mixité. Ce n’est pas le cas dans les programmes canadiens, car il arrive souvent que les sexes et même les âges soient mélangés. C’est la réalité à la plupart des niveaux et, à l’exception de quelques programmes, les hommes et les femmes s’entraînent ensemble

Cependant, je vais prendre une tangente inverse pour ce sujet particulier. Pour être clair, cela a été ma réalité à la fois en tant qu’athlète et en tant qu’entraîneur. C’est ainsi que je me suis entraîné et coaché, car je crois qu’avoir un groupe mixte ainsi qu’un groupe intergénérationnel peut être bénéfique pour tous. Et pourtant, il faut parfois faire quelque chose qui sort de l’ordinaire pour que votre programme se développe.

Après avoir été déplacé de mon ancien programme, j’ai dû reconstruire un nouveau programme dans ma nouvelle école. Pour mettre cela en contexte, c’est la troisième année de mon programme de quatre ans. Pendant mon DAC, l’accent sur la planification par cycles était très important, et par conséquent, j’essaie de faire les choses selon un cycle de quatre ans, pour imiter la fréquence des cycles olympiques et des Jeux du Canada. Sortir de la pandémie et essayer d’inculquer une culture de la lutte dans ma nouvelle école qui n’en avait pas vu depuis 1992 a été difficile au mieux. Les progrès ont été là, mais ils ont été lents, en particulier du côté des filles. J’ai toujours eu au moins deux filles, mais il n’y a pas eu de véritable engouement comme dans mon école précédente qui avait produit des championnes à différents niveaux.

Bien que mon programme précédent ait produit de nombreux champions, je n’en ai jamais eu assez pour un entraînement de filles seulement.

Cette année, aucune fille ne s’est inscrite dans l’équipe et j’étais résignée au fait que peut-être ma nouvelle école n’était pas prête pour la lutte féminine. C’est sur la suggestion d’un autre entraîneur que j’ai essayé d’organiser une séance d’entraînement réservée aux filles. Au début, j’étais sceptique, car cela allait à l’encontre de ce que je faisais toujours. Cela diviserait également mes ressources et je ne savais pas combien de personnes j’allais accueillir. La nécessité et l’aspect pratique suggéraient que cela ne fonctionnerait pas. Néanmoins, j’ai pris mon mal en patience et j’ai lancé l’annonce d’une séance d’entraînement réservée aux filles. Au maximum, je m’attendais à ce que quatre filles se présentent, mais lors de la première réunion, douze filles se sont inscrites et neuf se sont présentées à la première séance d’entraînement ! Elles étaient enthousiastes et désireuses d’apprendre, alors que demander de plus ? Pour ajouter à l’aspect développement de cela, elles étaient toutes en septième ou huitième année d’école secondaire, ce qui me donnait une base sur laquelle m’appuyer pour l’avenir si elles décidaient de rester. Cela pourrait m’amener à repenser mes stratégies concernant les séances d’entraînement différenciées pour l’avenir.

Pour la première fois dans ma carrière d’entraîneur, j’ai commencé à gérer une pratique réservée aux filles

Voyage et hébergement

Les choses ont bien changé. Quand j’étais athlète, il était beaucoup plus simple de se rendre à des tournois. On se renseigne sur le nombre d’athlètes qui y participent, on fait les réservations d’hôtel et on part pour le tournoi, c’est aussi simple que ça. Au cours de la dernière décennie, ces choses simples ont changé. Avec l’apparition de certains problèmes, notamment des comportements peu recommandables concernant des jeunes filles et un médecin de la fédération américaine de gymnastique, la confiance qui s’était établie entre les entraîneurs et les athlètes a été irrévocablement altérée. Des lois régissant les interactions avec les filles athlètes ont été mises en place, tout autant pour la protection des athlètes que de l’entraîneur.

Avec l’arrivée des filles dans ce sport, la lutte a dû suivre le mouvement. L’hébergement était évidemment un élément à modifier, car on ne pouvait pas demander aux garçons et aux filles de partager une chambre d’hôtel. Le voyage lui-même a également changé, car il fallait désormais avoir une entraîneuse et une chaperonne si des filles venaient au tournoi. Bien que cela soit une bonne chose en théorie, dans la pratique ce n’est pas toujours possible.

En tant que sport amateur, nous n’avons pas toujours le budget pour pouvoir envoyer du personnel supplémentaire. De plus, il n’y a pas beaucoup de femmes entraîneures au Québec, ce qui ajoute au problème. Dans un monde idéal, il serait optimal de suivre la loi à la lettre. D’un point de vue pratique, cela ne fonctionne pas toujours, car nous n’avons pas toujours une entraîneuse qui est en mesure de se déplacer aux différents tournois. Ce problème peut être atténué par la présence d’une femme comme parent ou accompagnatrice, mais encore une fois, cela ne fonctionne pas toujours.

Mon voyage aux Championnats panaméricains des cadets m’a ouvert les yeux sur la nécessité de commencer à organiser des aménagements de voyage

Je me suis rappelée à cette réalité lorsque j’ai dû me rendre aux Championnats panaméricains cadets l’année dernière. Comme ma seule athlète était une fille et que nous étions les seuls athlète et entraîneur venant du Québec, cela posait un problème puisque les règlements stipulaient que ses tuteurs ou une chaperonne devaient nous accompagner puisque j’étais un entraîneur masculin. Cela aurait été problématique puisque ses tuteurs ne pouvaient pas nous accompagner. Cependant, c’est dans des cas comme celui-ci qu’une exception à la règle peut être faite. Étant les seules personnes venant du Québec et n’ayant pas de femme entraîneur ou chaperonne disponible, nous avons eu un laissez-passer cette fois-ci. Je me souviens de l’époque où les choses étaient plus simples et où nous n’avions pas toujours à être aussi prudents. Encore un exemple de la réalité changeante du monde moderne de l’entraînement et je suis pour si cela signifie que nos jeunes athlètes seront protégés.

En vérité, le changement est inévitable. En tant que lutteurs, nous sommes souvent têtus et réticents au changement. Cependant, je crois que tant que nos croyances et nos valeurs fondamentales ne sont pas compromises et que nous maintenons nos standards élevés, alors tout le reste est finalement négociable.